L'hôtel de verre by St. John Mandel Emily

Auteur:St. John Mandel, Emily [St. John Mandel, Emily]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
Éditeur: Éditions Rivages
Publié: 2021-02-09T15:18:32+00:00

Un cauchemar

La semaine suivante, Jonathan travailla de si longues heures qu’elle le vit à peine – petite faveur –, de sorte qu’elle n’eut à feindre l’insouciance que pendant de brèves périodes. Elle lut les nouvelles pour se changer les idées, mais c’était une litanie de désastres économiques. Elle envisagea de retourner à Brooklyn pour attendre Paul devant l’entrée des artistes, mais la pensée de le voir lui répugnait.

Le mercredi suivant, Vincent fut réveillée par un cauchemar pour la troisième fois en trois nuits. Elle dormait mal depuis déjà plusieurs semaines, mais ce cauchemar était un problème nouveau et perturbant. Elle était certaine qu’il s’agissait du même rêve, répété, mais elle n’en gardait qu’une vague impression de chute vertigineuse, une sensation de catastrophe qui persistait à la lumière du jour. Elle resta un moment à fixer le plafond, Jonathan endormi à côté d’elle ; finalement elle se leva, chercha à tâtons ses vêtements de sport – elle les gardait pliés sur une chaise près du lit – et laça ses baskets dans l’obscurité, prit ses clefs au crochet près de la porte de la cuisine. Elle aimait bien, par jeu, s’astreindre à quitter la maison sans allumer aucune lumière. Il y a un plaisir inhérent à l’invisibilité.

Au royaume de l’argent il était important d’être mince, mais elle aurait fait son jogging de toute façon. Elle adorait la banlieue à cette heure matinale, quand il s’en dégageait encore une part de mystère. On était début décembre mais les températures avaient été toute la semaine bien au-dessus de zéro. Elle remonta rapidement la longue allée qui passait devant le cottage de Gil et d’Anya – aucune lumière aux fenêtres – jusqu’à l’impasse, où les maisons tout aussi démesurées de deux voisins brillaient à travers les arbres. Arrivée à la première rue digne de ce nom, la première qui mène quelque part, elle se mit à courir au petit trot. Elle aimait le silence du quartier avant l’aube, le secret d’une rue où tout le monde dormait, les fenêtres non éclairées. Jonathan n’aurait pas aimé la savoir seule dans l’obscurité, mais Vincent n’avait jamais trouvé ces rues dangereuses et elle portait une bombe lacrymogène sur son porte-clefs. Lorsqu’elle regagna la maison, il était quatre heures et il faisait encore nuit. Elle laissa un mot à Jonathan, qui ne se réveillerait pas avant cinq heures et demie, puis elle se doucha, s’habilla et appela un taxi pour attraper le train de cinq heures du matin.

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